mardi 14 janvier 2025

Ne plus rien écrire à Tokyo ou ailleurs

Au creux de l’aube, il y avait ce silence, dense et fragile, tissé d’ombres qui couraient entre les choses. Ce n’était pas un lieu défini, mais une vibration, un espace où la réalité vacillait, bordée par des contours indécis. Ce territoire, tel qu’il m’apparaissait, n’existait ni dans les cartes ni dans les mots. Il respirait dans les formes disloquées des rues, dans les gestes ordinaires saturés d’une précision implacable.  
Les montagnes là-bas ne se contentaient pas de dominer l’horizon ; elles avalaient les rêves, les reformant en échos rugueux, presque douloureux. Ici, chaque objet portait une fonction si précise qu’elle devenait une exigence. J’y ai appris qu’une simple erreur — une ligne mal tracée, un silence mal placé — pouvait briser le fragile équilibre de l’univers quotidien.  
La lumière s’attardait comme un soupir sur les murs gris des bâtisses, glissant le long des fissures des sols tremblants. Chaque ombre, chaque silence contenait un poids, une gravité invisible qui tirait tout vers le centre de cet étrange monde. Dans ces instants suspendus, j’ai découvert l’immense vide caché derrière le bruit incessant des routines et des rituels.  
Le sol de ce lieu, chargé d’une chaleur presque oppressante, semblait pulser sous mes pieds, vibrant d’un rythme que je ne pouvais saisir. Tout ici se déployait avec une étrangeté presque douloureuse : l’éclat métallique d’un ruisseau artificiel, le frisson d’un souffle dans les branches d’arbres géométriques, les murmures des passants qui semblaient tout dire sans prononcer un mot.  
Un matin, assis face à ce paysage qui n’en était pas un, j’ai perçu ce que signifiait l’équilibre. Non pas l’absence de chaos, mais son intégration dans un ordre si précis qu’il en devenait insaisissable. Là, je me tenais, entre la pierre et le vent, témoin muet d’un monde à la fois brutal et délicat.  
Chaque jour, je m’effaçais un peu plus pour laisser la place à ce lieu, à cette réalité implacable et pourtant étrangement accueillante. Mon esprit se perdait dans le tumulte des rues et des gestes, mais y trouvait une étrange sérénité. Je n’étais plus ni d’où je viens, ni d’où je suis. J’étais dans l’entre-deux, dans cet espace invisible où les contradictions trouvent un équilibre provisoire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.