– …
– Monsieur Francky ? demande l’assistante inquiète.
– … (Francky sourit à l’autre bout du fil)
– Euh, vous avez confélence sur la tlans-inteltextualité compalative mondiale dans l’oeuvle de Guillaume Nothomb, à Univerlsité Tokyo-Montana, suivi d’un bouffet…
– … (Francky émet un silence interrogatif)
– Euh, je clois que c’est viande d’émeu glillé, poudle de culy Sekiguchi, accompagnée de 純米原酒. Solbet yuzu de saison.
– C’est très bien, jeune fille.
– C’est moi dont je remelcie, Monsieur Francky-san…
(Il a déjà raccroché sa carrière d’interlocuteur téléphonique)
Donc, voilà, il faudrait d’ailleurs pouvoir écrire autre chose, écris-je. Moi ramdam minuscule, et écrire comme ça, cri à la radio. Allez, moi j’ai touché directement le Japon et ainsi donc, là, c’est encore toucher le multiple naissant, c’est-à-dire touchoter le singulier explosé, pour ne pas dire effleurer plus loin l’universel et le mystère de mon propre mouvement de création, à la fois point et ligne, touche-à-tout et touche-à-rien, toujours plus à l’aube des temps à venir, corail et perce-oreille, Kali-griffure silencieuse et vibrionnante dans le vide. Vous me l’enlevez de la douche. Quoi ? L’éponge de la bêtise. Partout des balafres, sur les visages et les cultures, pour quel règlement de compte ? Mes mots sont les fléchettes plantées dans le visage d’un ami. Je mets des bâtons dans les ruées de la danse. J’écourte l’orage quotidien le plus peuplé au monde. Je suis au centre de la vision animale qui échappe aux chasseurs. Hier, j’ai commandé des pinceladas del alba à un serveur unijambiste qui m’a rappelé un petit écrivain dont le nom m’échappe comme une fourmi blanche.
LE PLUS
GRAND
HAÏKU
DU
MONDE
=
plus
petit
haïku
du
monde
Vous êtes à la terrasse d’un café de Tokyo, comme le regretté Castleburne, le 4 août 2015. Vous êtes à ma place et je regarde les entrechats du chaos autour d’une jambe féminine en lévitation dans mon esprit. Je me dis comme un rêve, tiens, mais ici, comme dans un ailleurs enfoui, la perception du temps et de l’espace est perdu et retrouvé. Vous êtes un fantôme tremblant sirotant son tapioca et c’est aussi un temps créole cryogénisé venu du futur qui apparaît soudain comme un présage du présent. Vous êtes ligoté par des ramures souterraines qui sentent la rosée couchée sur l’asperge douce d’Ibaraki. Un mélange simple, mais un mélange, bon sang, au-delà de l’au-delà dans le sur-delà, dans la fissure glutéale, l’universelle cretonne qui m’attend, ou dit autrement, le sel des étoiles sur la salade de l’Histoire, où tout s’unit finement. Ceux qui connaissent Bashō par cœur (mon hypothèse étant que toute l’œuvre de Bashō est un immense roman inachevé) m’auront compris. C’est ce que vous dit ce cher Castleburne, l’ancien directeur de l’Institut, éventuellement un ami et un très grand multi-artiste gastronome encore méconnu de vous.
perruque blonde pour faire suédois
LSD de soleil
odeur douteuse dans le plastique noir
besoin
de vos sensations faibles
je déclare solennellement
que je n’aurai aucune théorie
pour ce paysage
Devenir japonais c’est soudain être cet observateur dissimulé derrière le paravent de la haute cordialité, se glisser dans la fissure sociale et attendre la cérémonie des hostilités, à la manière d’un grand voyeur sur le retour. Quand on est un mélange savant, être écrivain japonais revient à dire que l’on se présente au monde comme écrivain voyeur. La pluie se jette sur moi, quelque part entre nous, il fait beau. Je repense à cette très belle Japonaise qui m’a aimé avec naturel. Sa chevelure, d’une noirceur de début d’univers. Mon cœur voulait être sa naine rouge. Si je n’avais eu pas de fonction universitaire, j’aurais piétiné sa chevelure et je me serais perdu heureux dans le marécage de son corps, dans une enfance voyeuse et gentiment imbécile, j’aurais reluqué sous cape et sans imagination les possibles et les fissures. Comme je l’ai dit un jour, quand la fin du monde sonnera à la porte, le lézard ne bougera pas de son soleil. Je trinque intérieurement à la mémoire d’un attendrissant owner japonais de 98 ans, amateur de jazz et de posters érotiques. Le voyeur est un voyageur sans âge. Voilà ce qu’on cherche à dire avant sa naissance.
L’ennui
facile
Cest bien
& autre chose
C’est un peu comme la danse des fourmis dans les jambes. Vivre mieux consiste à faire un triangle, un origami en soie à trois face. Être tchèque à Rio et parler de Madagascar. Être italien à Osaka et parler de l’Alaska. L’infini sur une tête d’épingle, c’est le soir. Il faudrait pouvoir être ce mélangeur, ce noueur lyrique des contraires, jeteur de mots pour exégètes, découvreur d’oubliés de l’histoire, poisson-pilote des génies de l’ombre, mais toujours triangle, aile piétinée pour la bonne cause. Ce serait ça, être écrivain mondial aujourd’hui. Sans port, sans bateau et sans mer. Complètement créateur à l’heure du café. Suivre la musique de son stylo sur le papier washi de l’écartèlement mental. J’écris que j’écris. C’est de la magie. Une magie autre. Une magie dans la magie, que personne n’a jamais remarquée avant moi. La pointe du pinceau de la calligraphe inconnue, un triangle de poils en pointe pubienne, dont je reparlerai dans mon essai aux PUF sur la culture prostitutionnelle dans l’œuvre encore inédite de Tanizaki (gentil Tanuki écriveur, qui aurait dû être mon ami, si j’avais vécu à son époque).
sc
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